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Chloée Bernos

Malala-Yousafzai_Antonio-Olmos

Malala Yousafzai est une adolescente pakistanaise qui s’est illustrée par son courage dès son plus jeune âge. Son combat est celui du droit à l’éducation et des droits des femmes dans son pays et dans le monde. Un combat si fortement mené qu’il a failli lui coûter la vie lorsqu’elle a été la cible d’un attentat perpétré par les talibans.

La Vallée du Swat, Pakistan

En 1947, à la suite de la partition de l’ancienne colonie anglaise des Indes, le Pakistan est fondé comme nation musulmane. Situé en Asie du sud, le Pakistan a longtemps entretenu des rapports conflictuels avec son voisin direct, l’Inde, marqués notamment par trois guerres en moins de 25 ans. Ce pays connaît aussi une instabilité politique, marquée par plusieurs coups d’État, de la corruption permanente et un État de droit qui peine encore à être instauré. Les choses n’ont cessé d’empirer avec, notamment, l’invasion soviétique du pays voisin, l’Afghanistan, en 1979 et le conflit qui a suivi les attentats du 11 septembre 2001. La Vallée du Swat, au nord du Pakistan, est un ancien État princier. Ses ressources naturelles ont longtemps fait la fierté de son peuple et attiré les touristes. La ville principale est Mingora, où Malala vit le jour en 1997.

Une enfance à l’école

Dès son plus jeune âge, Malala a baigné dans le monde de l’éducation. Le plus grand rêve de son père était d’ouvrir une école. La première qu’il put construire se trouvait juste en face de l’habitation familiale. Avant même de commencer à suivre des classes, Malala y était constamment, c’était son terrain de jeu. Elle adorait l’école. C’était sa vie, son univers. Plus grande, elle voua une véritable passion aux études et se révéla extrêmement brillante.

Malala a toujours aimé prendre la parole, débattre ou réciter des poèmes devant ses camarades. Dès son enfance, elle rêvait de devenir politicienne ou inventrice même si la plupart des femmes pakistanaises restaient enfermées à la maison. En effet, au Pakistan, les droits des femmes étaient très limités et, en tout cas, n’étaient en rien semblables à ceux des hommes. Mais Malala n’en avait que faire et voulait lutter pour la liberté des femmes. Elle sentait qu’elle avait un rôle à tenir dans son pays, et qu’elle devait œuvrer pour la démocratie.

Le soutien d’un père à contre-courant

La famille de Malala constitue un soutien inébranlable pour la jeune fille. Sa mère, bien qu’illettrée et très peu éduquée, l’a toujours soutenue dans sa vie et son combat tandis que son père en est un réel moteur. Déjà à sa naissance, ses parents se distinguaient des familles pakistanaises traditionnelles. Alors qu’au Pakistan, la naissance d’un garçon était synonyme de joie et donnait lieu à des fêtes, la naissance des filles demeurait cachée et signifiait un jour triste. Pourtant, celle de Malala apporta une joie immense à sa famille et surtout à son père. C’était comme si ce dernier avait pressenti un destin hors du commun pour sa fille et l’aimait d’un amour particulier : « Tous les enfants sont exceptionnels pour leurs parents, mais pour mon père, j’étais tout son univers » (Yousafzai, 2013 : 346).

Son père est un fervent militant pour la paix et l’éducation au Pakistan. Son rêve est d’ouvrir des écoles et de propager l’instruction et la paix dans tout le pays. Il milite sans vergogne, participe à des débats politiques, donne des conférences, des interviews à la télévision et à la radio, crée des comités et organise des manifestations. Malala l’a suivi partout et a rapidement pris la parole à son tour. Elle a commencé toute jeune à donner des interviews, à participer à des émissions et à intervenir publiquement dans des assemblées politiques. Son père, d’un soutien indéfectible, l’a toujours poussée à poursuivre ses rêves et à lutter pour la justice. Contrairement à la majorité des pères pakistanais, il a poussé sa fille à s’instruire, à se défendre et à argumenter en public. Aujourd’hui, Malala lui doit son combat :

J’ai beaucoup de chance d’avoir un père qui a respecté ma liberté de pensée et d’expression et m’a fait participer à sa caravane pour la paix.

Une adolescente qui s’oppose aux talibans

Le Pakistan et tout particulièrement la Vallée du Swat ont vécu une époque terrible à partir de la fin des années 1990. Ce fut la prise de contrôle progressive de la Vallée par les talibans. Une radio très influente menée par un mollah (dirigeant religieux) vit le jour et commença insidieusement à instaurer une véritable dictature islamique au milieu d’échanges de tirs quotidiens entre militants et soldats et d’enlèvements de policiers et de femmes considérées comme des prostituées. Des tribunaux islamiques punissaient tous ceux qui, selon les talibans, déshonoraient l’Islam. Des gens étaient flagellés publiquement, d’autres étaient tués et les cadavres décapités étaient exposés en exemple dans les rues. Les écoles étaient particulièrement visées et prises d’assaut. À la fin de 2008, 400 écoles avaient été détruites par des explosions, des attentats suicide ou brulées. Ce fut la fin du tourisme. La terreur gagna le peuple : « Certains ont peur des fantômes, d’autres des araignées ou des serpents. À cette époque, nous avions peur de notre prochain » (Yousafzai, 2013 : 192).

Malala et son père, qui continuaient de militer activement, furent rapidement l’objet de menaces de mort. Mais Malala n’en démordit pas : « …apprendre que j’étais une cible ne m’effraya pas » (2013 : 258). Au contraire, les attaques des talibans ne faisaient que renforcer son combat :

Les talibans pouvaient nous prendre nos crayons, nos livres mais ils ne pouvaient pas nous empêcher de penser.

Et de renchérir :

Je connais l’importance de l’éducation, car on m’a pris de force mes stylos et mes livres (…) mais les filles du Swat n’ont peur de personne.

Elle continua de faire parler d’elle. En janvier 2009, elle commença à donner des interviews hebdomadaires pour alimenter un blog de la BBC. Ces récits eurent un retentissement bien au-delà du Swat, ce qui l’encouragea à persévérer :

Je commençais à voir que la plume et les mots peuvent être bien plus puissants que les mitraillettes, les tanks et les hélicoptères.

Le jour où tout a basculé

Un mardi 9 octobre de l’année 2012, ce que tout le monde avait redouté arriva. Les talibans mirent leurs menaces à exécution même si plusieurs pensaient qu’ils n’oseraient pas attaquer une enfant. Malala n’avait alors que 15 ans et se fit tirer dessus à bout portant sur le chemin du retour de l’école. Elle fut touchée à la tête et grièvement blessée. Toutefois, elle échappa miraculeusement à la mort. Après un cafouillis de décisions politiques quant à son lieu d’hospitalisation à l’étranger, elle fut finalement transférée à Birmingham pour se faire soigner. Elle en sortit dévisagée, un souvenir qu’elle gardera à jamais : « Je ne pense pas souvent à l’attentat, mais tous les jours un regard dans le miroir suffit à me le rappeler » (Yousafzai, 2013 : 349).

Malgré son jeune âge, Malala a fait preuve d’une force de caractère inébranlable. Elle est devenue une icône médiatique mondiale. L’attentat ne l’a pas stoppée, au contraire. Depuis sa récupération, elle ne cesse de se répéter ces paroles : « Malala, tu as déjà affronté la mort, c’est ta seconde vie, n’aie pas peur. Si tu as peur, tu ne pourras pas avancer. » (Yousafzai, 2013 : 349). Elle a tenu un discours qui fut ovationné à l’ONU en 2013 en adressant à tous les enfants du monde ce message :

Prenons nos livres et nos stylos… Ce sont nos armes les plus puissantes. Un enfant, un professeur, un livre et un stylo peuvent changer le monde.

Par la suite, elle créa la Fondation Malala (http://www.malala.org/) dont le but est le suivant :

« … investir dans des initiatives pour donner des moyens à des collectivités locales, développer des solutions innovantes reposant sur des approches traditionnelles, et offrir non pas simplement l’alphabétisation, mais les outils, les idées et les réseaux qui peuvent aider les filles à prendre la parole et à forger un avenir meilleur » (Yousafzai, 2013 : 357).

Une reconnaissance mondiale : nominations et prix reçus

L’attentat fut condamné à travers le monde et des millions de personnes manifestèrent leur soutien et leur admiration envers Malala. Cet événement malheureux donna une résonance mondiale au combat de Malala qui, depuis le Pakistan jusqu’à aujourd’hui et à travers le monde, a reçu plusieurs distinctions et hommages. Pour ne citer que ceux-là :

  • En 2009, elle est nominée pour le prix international des enfants pour la paix qu’elle obtient finalement en 2013.
  • En 2011, elle fait partie des cinq personnes pressenties pour le Prix international de la paix de la Fondation pour les droits de l’enfant d’Amsterdam.
  • La même année, elle reçoit le premier Prix national de la paix au Pakistan qui sera par la suite renommé « prix Malala ».
  • En 2012, elle reçoit le prix Simone de Beauvoir pour la liberté des femmes.
  • La même année, le Prix international pour la justice sociale en mémoire de Mère Teresa lui est attribué.
  • En 2013, elle reçoit le prix Sakharov pour la liberté de l’esprit décerné par le Parlement européen.
  • La même année, elle est pressentie pour le prix Nobel de la paix et l’obtient finalement en 2014.

À ceux qui accuse Malala de n’avoir mené sa lutte pour l’éducation que pour la gloire et s’exiler du Pakistan, elle répond avec l’aplomb qui la caractérise : « Il ne s’agit ni d’argent ni de distinction. J’ai toujours prié Dieu : Je veux aider les gens, je t’en prie, aide-moi à le faire » (Yousafzai, 2013 : 341).

Références

Bobin¸ F. (2013, 7 septembre). Au Pakistan, “un faucon” nommé à la tête des talibans. Le monde.
http://www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2013/11/07/le-mollah-fazlullah-nouveau-chef-des-talibans-du-pakistan_3510072_3216.html

Ellick, B.A. (2009). Malala Yousafzai Story: The Pakistani Girl Shot in Taliban Attack.
https://www.youtube.com/watch?v=9F5yeW6XFZk

McCarney, R. (2014). Chère Malala. Montréal : Bayard Canada.

United Nations. (2013, 12 juillet). Malala adresses United Nations Youth Assembly.
https://www.youtube.com/watch?v=3rNhZu3ttIU

Yousafzai, M. (2009). « Diary of a Pakistani schoolgirl ». BBC news.
http://news.bbc.co.uk/2/hi/south_asia/7834402.stm

Yousafzai, M. (2013). Moi, Malala, je lutte pour l’éducation et résiste aux talibans. Paris : Calmann-Lévy

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